• Un diagnostic qui se gâte...

  • Une femme Franco-Algérienne de 28 ans, cadre dans une entreprise de carburant, sans enfant, est hospitalisée dans un service de pneumologie de CHU en 2014 pour exploration d’une pneumopathie infiltrative diffuse. Ses antécédents sont un syndrome anxio-dépressif associé à une anorexie-boulimie durant l’adolescence et une thrombopénie découverte par la médecine du travail en 2007. Elle a un frère en bonne santé. Sa grand-mère paternelle est épileptique et son grand-père paternel a eu un cancer bronchique. Il n’y a pas de consanguinité.

     

    L’histoire débute en 2009 par un œdème unilatéral du membre inférieur droit. Des explorations sont réalisées en Algérie. Un scanner thoraco-abdomino-pelvien (TAP) ne montre pas de compression vasculaire, mais des opacités interstitielles apicales bilatérales qualifiées initialement de séquelles tuberculeuses. L’écho-doppler artériel et veineux est normal. La lymphographie montre une nette altération du transit lymphatique avec une image d’encorbellement à la jambe et au genou droit. Il n’y a pas de nœuds lymphatiques inguinaux ni cruraux. L’hémogramme est le suivant: hémoglobine 10 g/dL, plaquettes 120000/mm3, leucocytes 4200/mm3, polynucléaires neutrophiles (PNN) 2600/mm3. Un érysipèle du membre inférieur droit complique la situation en 2011. Fin 2014, la patiente se plaint d’une douleur thoracique antérieure bilatérale, favorisée par l'inspiration profonde qui s’associe à une toux fébrile à 40°C et à une altération de l'état général avec anorexie et amaigrissement de 5 kg en 3 semaines. Elle est hospitalisée en Algérie. Le scanner thoracique montre une aggravation du syndrome interstitiel apical. Les BK crachats sont négatifs tout comme l’IDR à la tuberculine. Un traitement par ceftriaxone, métronidazole et quadrithérapie antituberculeuse permet d’obtenir une amélioration des symptômes en 4 jours. A sa sortie d’hospitalisation, seule la quadrithérapie antituberculeuse est poursuivie. Un mois plus tard, la patiente se rend en France pour avis. Elle est asthénique, apyrétique et n’a pas de sueurs nocturnes. Elle se plaint d’une dyspnée de stade II NYHA et d’une légère toux sèche sans anomalie auscultatoire. La saturation est à 98% en air ambiant. On note un œdème du membre inférieur droit, un hippocratisme digital et une pâleur cutanéo-muqueuse. L’hémogramme révèle une pancytopénie : hémoglobine 9,9 g/dL, VGM 76 fl, plaquettes 41 000/mm3, leucocytes 3700/mm3, PNN 3150/mm3, éosinophiles 150/mm3, lymphocytes 330/mm3, monocytes 40/mm3, sans schizocytes sur le frottis sanguin. Le TP est à 100 % et le ratio TCA à 1,0. La CRP est à 4 mg/L, haptoglobine normale, ferritine 92 μg/L (N 13-76), fibrinogène 5,2 g/L. L’électrophorèse de l’hémoglobine n’est pas en faveur d’une ß-thalassémie. Les enzymes hépatiques, le ionogramme, la calcémie, la fonction rénale, la TSH et les dosages vitaminiques de B9 et B12 sont normaux. Il existe une carence en vitamine B6 à 5 nmol/L (N : 25-100). Le profil électrophorétique des protéines plasmatiques est normal sans composant monoclonal à l’immunofixation. La protéinurie est physiologique. La recherche d’auto-anticorps est négative : anticorps anti-nucléaires, anti-ADN, anti-CCP, facteur rhumatoïde, ANCA, test de Coombs érythrocytaire. Les sérologies VIH, VHB et VHC sont négatives. La pancytopénie est explorée avec plusieurs myélogrammes et une biopsie ostéo-médullaire. La moelle est de richesse normale avec des signes de dysmyélopoïèse sur toutes lignées, sans excès de blastes. Il n’y a pas de sidéroblaste en couronne. Le caryotype médullaire est normal. Il n’existe pas de clone d’hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN) ni d’argument pour une maladie de Fanconi (test à la mitomycine C). L’échocardiographie et l’ECG sont normaux. Le scanner TAP montre des épaississements irréguliers inter-lobulaires diffus bilatéraux prédominant aux lobes supérieurs et aux segments apicaux des lobes inférieurs, des épaississements scissuraux et un emphysème para-septal sous pleural. Les EFR sont altérées en pourcentage des valeurs théoriques : capacité vitale 52%, VEMS 55%, DLCO 43%, KCO 86%, Tiffeneau 91%. La fibroscopie bronchique est normale. Au lavage broncho-alvéolaire il y a 162 900 cellules/ml (lymphocytes 26%, macrophages 67%, PNN 2%, sidérophages 6%) ; le ratio des lymphocytes CD4/CD8 est à 2,03. La recherche de pneumocystose, les PCR orientées de mycologie et de parasitologie sont négatives. La recherche de BK est négative à l’examen direct et en culture. Le traitement antituberculeux est arrêté. Une supplémentation en fer et vitamine B6 est débutée. Une biopsie pulmonaire est réalisée par vidéo-thoracoscopie après transfusion plaquettaire. En histologie, le parenchyme pulmonaire est altéré par une accumulation lipoprotéinacée éosinophile dans les espaces alvéolaires prenant la coloration PAS s’accompagnant d’innombrables cristaux de cholestérol, d’une réaction inflammatoire mononucléaire modérée de l’espace interstitiel et de plusieurs secteurs de fibrose interstitielle. Il n’y a pas de lésion granulomateuse ni de vascularite. La recherche d’anticorps anti-GMCSF est négative. La patiente est convoquée plusieurs mois plus tard pour évaluer l’évolution. Si l’hémogramme et l’imagerie sont stables, les EFR se dégradent (VEMS 44%, DLCO 31% de la théorique) tout comme la situation clinique. La patiente a désormais une dyspnée de stade III NYHA et une majoration de sa toux. Un grand lavage alvéolaire en 2 temps permet une amélioration transitoire. La situation se gâte...

    Un examen permet de faire le diagnostic.

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